La région d’Agadir compte ses ibis chauves !
Par ces temps de conscience écologique, la région d’Agadir se félicite de la bonne santé de ses ibis chauves. Car le "Geronticus ermite" est un oiseau en voie de disparition. Ses dernières colonies naturelles vivent dans la région de Palmyre en Syrie (en voie d’extinction) et sur la côte atlantique ouest du Maroc, où elles se répartissent également entre les falaises de Tamri au nord et le Parc National de Souss Massa (PNSM) au sud d'Agadir.
Qui es-tu, ibis chauve ?
Je suis tellement rare et bizarre qu’il y a peu de chance que vous me connaissiez, à moins que vous soyez féru d’ornithologie ! De l’ordre des pélicaniformes et de la famille des threskiornithidés (comme les spatules), je suis un cousin de l’ibis sacré divinisé dans l’Egypte ancienne et j’étais déjà menacé au temps des pharaons ! J’habite des zones arides ou semi-arides proches de rivières ou de la mer, je pèse entre 1 et 3 kg et mesure environ 70 cm de long et 130 cm d’envergure, ce qui me permet de planer. Sur mes courtes pattes, je mange des insectes, des petits serpents, des scorpions, des lézards, des poissons, des petits mammifères et des oisillons. Je peux vivre 25 ans.
Adulte, ma tête est nue et rougeâtre, mon bec rouge est long et recourbé, et mon plumage noir a des reflets métalliques bleutés, verts et pourpres. Jeune, je suis plus foncé et j’ai des plumes grises sur la tête. Oiseau diurne grégaire, je me nourris et dors en groupes (entre 5 et 20 couples). J’atteins ma maturité sexuelle entre 3 et 5 ans. D’ordinaire silencieux, je pousse des cris gutturaux quand je m’accouple. Je fais mon nid dans des grottes ou des renfoncements de la falaise. Ma femelle pond entre 2 et 4 œufs entre février et juin et couve de 24 à 28 jours. Migrateur, je vais après ma reproduction vers le nord-est de l’Afrique quand j’habite l’est et vers le sud du Maroc quand j’habite l’ouest.
Préservation de ton espèce
En 1940, le Maroc comptait 1.500 ibis chauves, contre 150 recensés en 1980. L’espèce ayant quasiment disparu de son aire de répartition (Proche et Moyen-Orient, Turquie, Somalie, Ethiopie), la RSPB (Royal Society for the Protection of Birds, membre de Birdlife International, représentée au Maroc par le GREPOM, Groupe de REcherche pour la Protection des Oiseaux au Maroc) décida de lancer en 1994 le programme de conservation de l’ibis chauve (nommé non sans humour PANIC : Plan d’Action National pour la Conservation de l’Ibis Chauve) en soutenant l’action du Professeur Ribi du Haut Commissariat aux Eaux et Forêts au PNSM. En effet, les dérangements par l’homme, la perte de son habitat naturel et les pesticides représentent de grands dangers pour l’ibis chauve. Ses meilleures chances de survie sont de se reproduire en captivité. 7 gardiens veillent sur les sites de nidification et alimentent quotidiennement les abreuvoirs. En 2015, 116 couples reproducteurs ont été recensés (il y en avait 60 au départ du programme). 205 poussins ont survécu. Le taux de survie constaté sur Tamri est de 58 %, alors que celui des 3 sites du PNSM est de 82 %, en progression. Au total, les équipes de surveillance ont dénombré 580 ibis chauves !
Et demain ?
Pour suivre la dispersion des jeunes dès qu’ils sont capables de voler, il sera nécessaire de les baguer et de pouvoir les localiser par satellite. Nul doute que le généreux soutien financier de la Fondation Prince Albert II de Monaco y contribuera !
Si vous tombez sur ce drôle d’oiseau trapu au cours de vos promenades, rappelez-vous qu’il a besoin de tranquillité pour survivre et contentez-vous de l’observer de loin. Si vous voulez photographier l’ibis chauve, symbole de splendeur et de brillance au temps des hyéroglyphes, munissez-vous d’un bon téléobjectif !
Texte Isabelle de Balathier
Photo DR Azhar Joundi, Gérard Schmitt