En fixant les dunes à Essaouira, Watier a conçu un modèle mondial
Vous ne le savez peut-être pas mais il s’en est fallu de peu qu’Essaouira soit ensevelie. Si elle ne l’a pas été c’est grâce à Mr Watier, inspecteur des eaux et forêts qui sauva Essaouira de l’ensablement en dirigeant les travaux de fixation des dunes autour de la ville au début du 20ème siècle. Techniques d'avant garde s'il en est, Essaouira sera copiée dans de nombreux pays !
Atlantide
Le Mogador d’antan fut une région recouverte de forêts de thuya, de genévriers, d’arganiers entourée de dunes et d'un plateau calcaire. Son climat semi-aride et doux présentait de faibles précipitations, une température constante et des vents déterminants. Le développement de la ville, dès la fin du 18ème siècle, avec ses exploitations de bois d’œuvre pour la construction de la ville, la pratique du pâturage et la coupe du bois de chauffage, donna lieu à une déforestation. Du sol sablonneux, des dunes se formèrent : le désert de Ghorad, une mer de sable ; évoluant sans cesse au gré des vents, les sables s’accumulant, se déplaçant ; modifiant sans cesse la morphologie et le paysage d’Essaouira. De cet encerclement de sable d’écumes et d’océan- la ville va se prémunir, mais au début du 19ème siècle la menace d’être coupée du continent et de devenir une île véritable ainsi que la disparition et l’ensevelissement de la ville deviennent de réels dangers.
Watier importe l’exemple des Landes de Gascogne
C’est avec l’arrivée d’experts forestiers qui, en Gascogne dans le Sud-Ouest de la France, avaient travaillé à lutter contre l’extension de la dune landaise qu’une solution se profila. Le brigadier-chef Dupuy et l’inspecteur des eaux et forêts, M. Charles Watier, lancèrent en 1918 à Essaouira les travaux de fixation des dunes. C'est ainsi que l'ingénieur Watier liera irrémédiablement son nom à celui de Mogador. Un nom que l'on retrouve çà et là aujourd'hui encore, comme sur l'enseigne d'un beau riad ou du poste de surveillance des travaux bâti à l'époque intitulé "poste Watier", perché dans les dunes d'Essaouira surplombant la baie.
"Contenir le désert"
A partir du Sud et de l’Est de la zone dunaire il s’agissait de "contenir puis d’étouffer le désert". Les travaux de fixation, répartis en trois parties, commencèrent par la stabilisation des sables par une couverture de branchages et d’arbrisseaux. La seconde partie des travaux visait l’arrêt des sables marins par la création d’une dune littorale artificielle dès 1919. Enfin, d'autres cordons de protection furent mis en place afin de prévenir l'ensablement d'autres zones de la ville, tel que celui qui reliait la ville à la colline d’Azlef tout en protégeant la route de Marrakech.
D’une flore exotique au Maroc
Les différentes phases nécessaires à la fixation des dunes impliquaient le reboisement, l’implantation ou la réimplantation d’espèces ; certaines issues de la flore locale : tamaris, lotier, retem, accacia, mimosa… et d’autres furent introduites telles l’eucalyptus d’Australie, l’aizoaceae d’Afrique du Sud, le gourbet, le ricin. Les résultats furent rapidement spectaculaires et en moins de cinquante ans l’ensemble dunaire fût fixé et la ville embrassée par cette magnifique ceinture verte qu’on lui connait encore aujourd’hui. Un résultat que Charles Watier n'aura malheureusement l'occasion d'apprécier ; le penseur de ces immenses travaux d'aménagement décéda brutalement en 1922.
Essaouira devient un exemple mondial
Le génie précurseur et visionnaire de Watier à Essaouira a inspiré de nombreuses régions du monde. Ainsi ; David Fairchild de l’U. S Department of foreign plant introduction visita Essaouira et admira tant les techniques de fixation des dunes qu’il introduisit le retama raetem comme élément de fixation des dunes californiennes. On est un peu fier que notre ville ait été un modèle de performance environnemental et on se dit, pourquoi pas le redevenir ? C’est peut- être bien en cours…
Texte et photo Nathalie Perton