“Bill est le premier à avoir eu un “oeil” exact sur ce pays. Tous ceux qui sont arrivés après ont marché dans ses pas”, explique Pierre Bergé. Quand il parle de Bill, le compagnon d’Yves Saint-Laurent veut bien sûr évoquer l’architecte américain Bill Willis. “Nous avons fait sa connaissance la semaine de notre arrivée, en février 1967, lors d’un dîner chez les Getty”, ajoute l’homme d’affaires français. Willis avait lui posé son sac depuis un an déjà. Il avait accompagné, l’un des couples les plus chics du moment, Talitha et Paul Getty Jr, lors de leur voyage de noces, à Marrakech. Il n'en est jamais reparti...
Agé de 30 ans, l’homme originaire du Tennessee, se voit, alors, confier une mission, par son ami Getty : restaurer le palais de la Zahia. Première réalisation de l’architecte à Marrakech, cette demeure appartiendra, successivement, à Alain Delon puis Bernard-Henri Lévy. Le couple Bergé-Saint Laurent lui demande, ensuite, de repenser la maison de style mauresque Dar Es Saada, qu’ils viennent d’acquérir. Bill Willis s’occupera, dans un second temps, de la Villa Oasis, mitoyenne du célèbre jardin Majorelle.
L’architecte a également réalisé les restaurants Dar Yacout et La Trattoria, mais aussi le célèbre Ricks Café à Casablanca. Grâce à son talent et son amour pour la fête, il côtoie les grands de ce monde qui se bousculent pour s’attacher ses services. Les clients de Willis s'appellent Rothschild, Gillion Crowet, Agnelli…
“Les années Marrakech”
“Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi glamour. Bill avait un goût et un style hors norme” confie Bill Strangi, un ancien ami de l’architecte américain. Ses amis le qualifient également d’homme très fin, drôle et brillant en société, doté d’un penchant immodéré pour la fête. À l’époque de très belles réceptions sont données dans les magnifiques villas de la Palmeraie. Bill Willis y festoie avec la crème de ce monde : Charlie Chaplin, le compte de Paris, John F. Kennedy ou Mick Jagger.
Un homme a bien connu ses soirées grandioses, le parfumeur Serge Lutens “À Marrakech, on riait parce que l’on savait que c’était la fin. Ailleurs, c’était foutu, alors qu’ici, on reculait l’échéance de trente ans. Il fallait en profiter” confesse-t-il au magazine Vanity Fair.
Lors des dernières années de sa vie, Bill Willis ne quitte plus son refuge de la médina, Dar Noujoum, niché dans le quartier de Sidi bel-Abbès. Ses projets traînent en longueur et les clients commencent à se plaindre du travail de l’architecte. “L’heure pouvait tourner, il avait toujours un dernier verre à terminer” se remémore Strangi. “Pour parler crûment, Bill était alcoolique et allergique à la discipline. Il faisait exactement ce qu’il voulait” ajoute son ami Christopher Gibbs. Un jour, il raccroche même au nez de la baronne Marie-Hélène de Rothschild prétextant qu’au Maroc “on a le temps”.
Pour autant, Bill Willis continue de recevoir : “On ne peut pas dire qu’il vivait reclus à la fin de sa vie. Il y avait toujours du monde chez lui” raconte son amie Kathy Krigger. Son cendrier en cristal et son verre de Jack Daniel’s l’ont escorté jusqu’à son décès en 2009.