Festival international de danse contemporaine de marrakech
Depuis trois ans, à Marrakech, il existe un Festival international de danse contemporaine. Ces rencontres chorégraphiques s'intitulent "En marche..." En marche vers quoi? Par un chaud après-midi de janvier, la réponse nous fut donnée comme une évidence. Une évidence éclatante, quoique sans tambours ni trompettes, mais au contraire tranquille avec sérieux et gentillesse.
Imaginez un jour comme un autre sur la place Jemaa el Fna : les serpents "serpentent" au son des fifres, les tambours "tambourinent", et les promeneurs se promènent dans un raffut de tous les diables, un mixte incroyable de sons et d'odeurs en tous genres. Et là-dessus, dans un coin de l'immense place aux marchands d'oranges, du côté de la poste, on a disposé des barrières de métal autour d'un grand quadrilatère. Ca va danser...
Une fille en noir des cheveux jusqu'aux bottines, s'avance. C'est la danseuse coréenne Youg Ho Nam, venue de Montpellier où se trouve sa compagnie. Déjà, quatre, cinq rangées d'hommes de tous âges se sont agglutinés sur le pourtour du périmètre. Les femmes, elles, tentent un coup d'oeil mais ne s'attardent pas. Dans le Maroc actuel, ce n'est pas si facile... Le solo - fulgurant - commence en silence. Hirondelle solitaire, la danseuse vole, se lance dans les loopings, s'arrête d'un coup. Elle tient à la main une feuille de papier blanc où est insrite une liste d'émotions primaires comme la couleur ou comme la colère. L'assistance regarde, hypnotisée, applaudit au moindre suspend, rit. Electrisée par la foule aux yeux noirs, la fille brûle. Personne ne moufte, ni les enfants, ni les hommes devenus enfants.
Puis vient le tour du danseur grec Dimitri Tsiapkinis, un compagnon du chorégraphe Bernardo Monet, parrain de la manifestation. Lui c'est le blanc : blanc de sa tenue immaculée d'escrimeur, blond de ses cheveux, masque de fer et pompons noirs aux chaussettes, Grèce oblige. A deux pas du public toujours immobile et d'une patience d'ange musulman, il commence des étirements animaux avant de se confronter aux visages des spectateurs. Avancer la main pour le toucher ? Lui sourire, rire, se moquer ? Personne n'y songe. Le monstre joue. Il suffit pour leur bonheur.
Et la fête continue sous le soleil pâlissant. Un groupe de danseurs accompagné d'enfants et de jeunes pénètre à son tour dans l'espace protégé. Ils sont cinq, six, puis dix, vingt, peut-être trente, à suivre les mouvements d'un meneur puis à en imaginer d'autres. Des européens figurent parmi eux mais la plupart sont Marocains.Le temps semble avoir ralenti, une douceur s'installe, rompue par les couleurs des vêtements des uns et des autres. C'est doux, simple, amical. Cela s'appelle "danse contemporaine" et c'est un magnifique moment de partage avec la population.
A la fin, chacun s'en va,qui dans son bled, qui à la médina, emportant des images jamais vues, le souvenir d'un contact vivant avec un rêve jamais caressé jusque là, mais reconnu certainement.