MRE : Saison à haut risque
Aide à l’investissement et au logement, facilitation des démarches administratives… Les marocains résidant à l’étranger sont choyés pour sauver une saison estivale qui s’annonce morose.
Le diagnostic est là et il a mis en alerte toutes les autorités du royaume : avec un montant de 14,528 milliards de dirhams pour les quatre premiers mois de 2009, contre 16,939 milliards de dirhams pour la même période l'année dernière, la baisse des transferts d'argent des MRE se maintient à plus de 14%. Selon une étude réalisée par l'agence Sopi Communication, cette tendance baissière, déjà perceptible dans les derniers mois de l'année 2008, est directement liée aux effets de la crise économique internationale qui touche de plein fouet les pays européens.
Et les MRE y sont justement en première ligne : les quelque 3,3 millions de marocains installés à l'étranger, qui représentent 10% de la population du royaume, sont concernés au premier chef par les politiques locales anti-immigrés, notamment en France et en Italie, ainsi que par la baisse du recours à la main d'Ïuvre saisonnière, essentiellement en Espagne et en Italie.
Arsenal anti-crise : Avec des revenus qui vont decrescendo, quoi de plus normal que les transferts des MRE vers le Maroc chutent de manière significative ? Le royaume a néanmoins tenu à prendre ses précautions pour éviter que la deuxième source de devises du pays (juste derrière les recettes touristiques) ne se tarisse complètement. Représentant près de 9% du PIB, ces transferts d'argent sont aujourd'hui l'objet de tous les soins. Le mardi 2 juin 2009, c'était Mohamed Ameur, ministre délégué à la Communauté marocaine à l'étranger, pour l'occasion flanqué des représentants des principales banques marocaines, qui rendait publiques les dernières mesures en faveur des MRE. Et, avec des propositions tous azimuts, le ministère a décidé de frapper fort : réduction des coûts des transferts favorisée par la diminution des commissions bancaires, mais aussi encouragement à l'investissement grâce à des subventions de l'Etat et à la facilitation des crédits bancaires, aide à la propriété avec l'extension aux MRE de la garantie Damane Assakane, et mesures d'accompagnement dans les pays d'accueil, grâce notamment à une réduction de 95% sur les droits de chancellerie.
Cerise sur le gâteau, cet arsenal non exhaustif de mesures, auquel il faut ajouter la généralisation du guichet unique dans toutes les administrations dédiées aux MRE, est applicable dès ce début de mois. C'est dire l'importance accordée au dossier par les autorités du royaume. Les interventions médiatiques de Ameur, nombreuses ces dernières semaines, sont là pour en témoigner. Mais le ministre en question n'est pas seul sur la brèche. Si Ameur a pris en charge le volet économique du problème, épaulé par les institutions bancaires, ainsi que par Salaheddine Mezouar et Jamal Rhmani, titulaires respectifs des Finances et de l'Emploi, le patron du Conseil de la communauté marocaine de l'étranger (CCME), Driss El Yazami, a écopé de la partie prospective du dossier.
Atouts conjoncturels et structurels : Le Maroc a certes pris la mesure du manque à gagner que peut représenter la désaffection des MRE, mais les observateurs avertis n'en restent pas moins optimistes quant au nombre des retours. Dans l'entourage de Ameur, on table ainsi sur un afflux massif des MRE cet été, à la faveur du mois de ramadan qui commencera en plein mois d'août, et qui est traditionnellement synonyme de retours massifs au pays. Autre atout et non des moindres, la crise économique qui sévit en Europe a un effet dont on ne mesure pas encore l'ampleur, mais qui constitue assurément une opportunité pour le Maroc. On glose ainsi beaucoup sur le retour au bercail des cadres supérieurs à la recherche d'un point de chute, parfois après un licenciement douloureux. De fait, comme en témoigne la responsable des ressources humaines d'une multinationale installée au Maroc, les CV de MRE qualifiés affluentÉ mais pas encore sur les bureaux des fonctionnaires recruteurs. La fonction publique, et l'administration en général, font en effet encore office d'épouvantail. Synonymes de bas salaires, de promotions à l'ancienneté et de nids à corruption, elles sont aussi le principal obstacle à l'investissement des MRE.
Certains, comme Boubker Bounafaâ en ont fait l'amère expérience : au bout de 20 ans passés en France qui l'ont fait riche, l'homme décide d'investir toute sa fortune au Maroc dans une usine de jus de fruit. Mal lui en prend : après une brouille avec ses associés (un général et une princesse), l'homme entre dans des démêlés judiciaires jusqu'à aujourd'hui inextricables. Pris à la gorge par une justice bien sûr au-dessus de tout soupçon et des créanciers qu'il estime débiteurs, Bounafaâ n'est pas le seul investisseur MRE, loin s'en faut, à avoir fait les frais de son aventure marocaine. Qu'à cela ne tienne, l'amour et le mal du pays restent le principal élément incitatif au retour. C'est d'ailleurs ce qu'illustre l'étude réalisée en mars-avril 2009 par Sopi Communication et qui porte sur un échantillon représentatif de 800 MRE. 74% des sondés estiment ainsi que “le Maroc, c'est avant tout un attachement affectif et culturel”É contre seulement 6% qui pensent que le pays représente une opportunité d'investissement. C'est dire le chemin qui reste à parcourir !