Nous étions au masterclass de Nuri Bilge Ceylan
Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan donnait la deuxième masterclass du Festival International du Film de Marrakech. Nous y avons assisté.
Pour commencer qu'est-ce qu'une masterclass ? C'est une possibilité pour les étudiants en cinéma ou tout simplement pour le spectateur de traverser l'écran et de comprendre les processus de création, de réalisation et de fabrication d'un film. Les intervenants expliquent aussi leur parcours et leur expérience. C'est donc un moment de partage unique que propose le FIFM. Après Martin Scorsesse, Francis Ford Coppola ou les frères Dardenne, c'est le réalisateur et scénariste Nuri Bilge Ceylan qui a transmis son vécu.
Il a, tout d'abord, raconté sa rencontre avec le 7ème art : "C'est en allant dans les salles que j'ai découvert le cinéma. A l'époque, il n'y avait pas internet, les DVD... Le cinéma prenait une place importante. On a appris à vivre avec et grâce au cinéma. Il y avait une autre vie dans les salles de cinéma, poursuit-il, on pouvait y rencontrer des filles, tomber amoureux. C'était vraiment un mode de vie." Ensuite, il a parlé de lui, de son expérience. Nuri Bilge Ceylan a débuté en tant que photographe, c'est avec ce métier qu'il a appris les subtilités et les techniques : "cela m'a aussi donné du courage pour la suite, sourit-il. Quand on lui demande, si un film l'a marqué et lui a donné envie de faire ce métier, il répond : " A 16 ans, j'étais à Istanbul et j'ai regardé Le Silence de Ingmar Bergman. Ce film a eu un grand impact sur moi. J'ai compris le potentiel et la force du cinéma." Il cite aussi l'autobiographie de Roman Polanski, qui l'a motivé de par la trajectoire du réalisateur franco-polonais. Quand on parle de son style à Nuri Bilge Ceylan, il explique : "Je ne peux pas dire que j'ai trouvé MON style, je suis encore un élève. Je fais les choses de manière instinctive, j'essaye de ressentir l'atmosphère." Il est aussi revenu sur sa vie et sur ce qui l'a amené à la réalisation : "Après mes études d'ingénieur, je suis parti, en Angleterre, au Népal, en Inde mais je ne trouvais pas de réponses à mes questions. Et je ne voulais pas devenir ingénieur. J'ai donc fais mon service millitaire et j'ai découvert la mosaique de la société turque, cela a suscité un profond amour pour mon pays." Après l'armée, il s'envole pour New-York et il se met à lire beaucoup d'ouvrages sur le cinéma et à aller voir des films.
Après cette entrée en matière où le public a pu en connaître d'avantage sur sa vie. La scène d'ouverture de son long-métrage Uzak est diffusé. La scène a été tournée plusieurs fois et n'était pas spécialement écrite dans le scénario. C'est une autre spécificité de ce réalisateur, l'écriture : "L'écriture c'est plus complexe pour un réalisateur car l'on est des artistes visuels. L'écrit c'est une sorte de guide." Sur ses deux derniers films, il a travaillé avec des co-scénaristes, une première pour lui. Avant, il se servait seulement des avis de ses amis, de son épouse...Il était comme un artisan du cinéma. Ensuite, c'est un extrait de son film Les Climats qui est projeté, film où il donne la réplique . Il n'aime pas jouer, il ne se trouve d'ailleurs pas très bon. Dans ses films, il a pour habitude de faire tourner des acteurs non professionnels, il en donne les raisons : "je n'aime pas le show des acteurs, je ne veux pas qu'ils montrent la psychologie des personnages. Généralement mes acteurs n'en savent pas beaucoup sur le film, ils sont perdus".
Nuri Bilge Ceylan réalise son premier court-métrage Koza à 36 ans. Il l'envoie au Festival de Cannes sans grand espoir. Son film est retenu et devient le premier court-métrage turc à être sélectionné. Son troisième long-métrage Uzak remporte le Grand Prix de Cannes en 2003. Le film remportera une quarantaine de prix au total. Devenu incontournable et reconnu dans sa profession, il gagne le Prix du Meilleur Réalisateur en 2008 pour son film Les Trois Singes. Ce dernier est le premier film turc à représenter cette nation aux Oscars. Il décroche deux autres Prix à Cannes : le Prix Fipresci de la critique internationale en 2006 pour Les Climats et le Grand Prix du Festival, cette année pour Il était une fois en Anatolie.
C'est donc un réalisateur prestigieux et plein de générosité qui a transmis ses connaissances et son expérience. Aujourd'hui, c'est le réalisateur et scénariste britannique Roland Joffé qui prendra sa place.
Texte Julien Antinoff
Photo DR