Ramadan Fêtes censurés, touristes égarés

Société
Dev Web
Editor Made in Marrakech
19 septembre 2008

Le Ramadan, fête non déclarée, demeure une énigme pour les concepteurs de calendriers à vocation universelle. Et un marché délicat que seuls les voyagistes, à l'exception des agences de Omra, ne savent pas encore commercialiser<br>

Pourtant ce festival inédit qui touche, à port quelques interdits religieux, une multitude de réjouissances n'attire que des touristes égarés par inadvertance. Aux valeurs universelles du jeûne coexistent depuis trois à cinq décennies des dimensions réellement festives qui auraient dû s'inscrire dans un agenda introuvable. Cette approche conflictuelle du passé avec le présent permettrait à l'évidence de faire la paix avec le futur.

Au Maroc, comme par ailleurs dans le monde musulman et ses prolongements communautaristes en occident, le Ramadan s'installe dans la saison estivale. Jusqu'en 2015. Quelles conséquences sur les comportements sur les économies, sur les loisirs, sur les festivalsÉ ? Rien de nouveau sous la conjonction des calendriers solaires et lunaire ; sauf que sous le ciel du XXI siècle, la vision du Maroc 2015 ne s'improvise pas, si rien n'a changé durant ces dernières années, faudra-t-il une autre génération pour se résoudre à mieux « vendre » les ruptures ramadanesques à l'intérieur, comme à l'extérieur, en tant qu'ambassadrices de convivialités et d'efforts, de solidarité et de créativité, de générosité et de profitabilité ? Aux dernières nouvelles le Ramadan 2008 ne constitue pas un préavis pour le régime des sept années suivantes, seront-elles subies sous le signe des vaches maigres bibliques avec soif d'eau de devises et d'exils massifs vers les chaînes de télévisions étrangères ?

Ou bien ces sept prochaines saisons feront-elles du Ramadan Marocain, une source qui, sans négliger la rigueur du jeûne et le symbolique du rite, s'accorde le libre accès à l'enrichissement de la société dans son ensemble ? Enrichissement autant spirituel que matériel, l'Islam ayant toujours recommandé la double voie, circulant vers les bien terrestres et les bénédictions d'Allah...

Aux lendemains des indépendances des pays islamiques, entre marxismes et libertés individuelles ayant été le tournant du Ramadan, le tournant du Ramadan n'ayant pas été encadré en fonction de la mondialisation rampante, se transforme peu à peu en tremplin pour les conservateurs et autres jihadistes en puissance, tempéré par de grandes bouffes budgétivores.

Les nouveaux chapitres du ramadan ferment en deux décennies la parenthèse des appels d'un Bourguiba et autres adeptes des réalistes économiques en faveur des règles originelles du Ramadan, celles même qui luttent contre le fainéantisme. Avant de céder aux ayatollahs, les moyen-orientaux ont juste le temps, avant la fin des années 70, d'introduire, par la télévision, une accoutumance à domicile, pour la fiction nostalgique et une lecture mélodieuse de textes sacrés.

Dans ce grand bond en arrière, tablant sur les jouissances, le Ramadan, en lieu et place des gouvernements et des élites décrète la trève de la harira et autres douceurs. Les discours de développement, les visions économiques stratégiques et les carnets de commandes de compétitivité et de croissance passent aux congélateurs du Ramadan et doivent attendre au moins quarante jours, avant de reprendre les chemins de la production équilibrée.

Pourtant les signaux d'alarme pour ne pas dévier des chemins de la compétitivité et de la croissance en période ramadanienne ne manquent pas. La "Voie Economique" du 1er août 2008 titrant sur "le blues de Marrakech" rappelant que nos hôteliers "continuent de filer du mauvais coton" avance justement que "pour ne rien arranger, le mois de septembreÉ ne risque pas d'arranger [leurs] affaires. En effet, c'est le mois du Ramadan, une période souvent boudée par les touristes". Et par les professionnels qui la considèrent comme une période de relâche aurait dû ajouter ce journal de référence des hommes d'affaire du Royaume.

Relâche et improvisation vont de pair. Autrement comment justifier le choix précipité de l'heure d'été (GMT+I) et son annulation avant terme réglementaire ? Si lunaire soit-il le mois de Ramadan n'est imprévisible qu'à un jour près parce que les Etats musulmans en font une question de souveraineté nationale malgré les efforts d'unification du calendrier hégirien en marge de la fondation de l'OCI au lendemain de l'incendie de la mosquée Al Aqsa.

Aujourd'hui nous savons que le prochain Ramadan débutera le 22 août 2009, soit en plein été, et ce pour plusieurs années annonce l'Institut Français de Mécanique Céleste et de Calcul des Ephémérides. Avisés, les occidentaux prendront leurs dispositions.

Et nous ? Que faire sachant que la Fête de la jeunesse puis les grandes vacances, la cérémonie d'allégeance de la Fête du Trône, les festivals d'été, y compris le vénérable FNAP qui rassemble à Marrakech des dizaines de troupes du folklore marocain, passeront sous le régime d'un ramadan estival ?

Les solutions existent pour bien garnir notre agenda du Ramadan. A moins que les jeux de cartes (Ronda et rami) ne soient les divertissements "intellectuels" et les loisirs les plus"raffinés" de notre société.

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Editor Made in Marrakech
19 septembre 2008